Amis du Jardinier de Dieu

Imagine

Publié le 19 Octobre 2011 par Anne G. in Pensée du jour

 

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Imagine, essaie de te souvenir…

 

Moi je n’arrive toujours pas à imaginer…

Ton regard d’enfant affamé et celui de la religieuse qui te baptise à ton arrivée, « au cas où ».

La perfusion sur ton bras, le sac à perfusion accroché à la persienne la plus proche.

Les heures passées allongé dans ton lit à attendre en regardant le plafond que quelqu’un veuille bien s’intéresser à toi, même pour une piqûre.

Ta main qui cherche une main pour apprendre à marcher autrement qu’avec l’aide d’un mur.

Le bercement que tu arrives à imprimer à ton corps pour te rassurer dans ton sommeil, à défaut de bras aimants pour le faire. Et pourtant ce mouvement, je le connais bien.

Ta bouche qui ne sait pas sucer. « - Maman comment on fait pour téter ? » « - Comme si tu avais une paille ! ».

Ton espérance lorsque un copain s’en va un beau jour pour ne plus revenir.

Ton angoisse lorsqu’on te juche sur une chaise, avec un panneau sur lequel est écrit simplement ton prénom – Emmanuel – pour prendre une photo.

Tes doutes lorsqu’on te dit que tu as une sœur, la petite Marie-Denise, connue dans tout l’orphelinat pour la virulence de ses colères et ses aptitudes à jouer les vedettes.

Tes yeux scrutant la photo où un homme et une femme avec une peau très pâle – dont on t’a dit « c’est Papa et Maman qui vont venir te chercher » – semblent aussi s’interroger.

Ton cœur qui bat, ta vessie qui n’en peut plus, lorsque la femme te prend dans tes bras et te dit des mots inconnus, sauf celui-ci : « Maman ».

Ton désespoir lorsque ta Maman, si c’est vrai, te dépose dans ton lit et disparaît jusqu’au lendemain.

Ta perplexité lorsqu’on t’interdit de ramasser la nourriture par terre en te disant que c’est sale.

Ton impatience lorsque tu essaies de faire comprendre à ton Papa, si c’est vraiment vrai, en désignant les camionnettes garées à l’entrée de l’orphelinat : « Machines ! », en créole. « Quand-est-ce qu’on part ? ».

Ton excitation lorsque, après avoir enfilé de beaux habits, tu montes dans une de ces camionnettes et que tu traverses tout Port-au Prince sur les genoux de Papa.

Ta fatigue lorsque tu t’endors juste au moment de l’embarquement.

Ta surprise lorsqu’on te fait entrer dans une chambre et qu’il se trouve que c’est exactement la même que celle qui est sur les photos.

Ton stress lorsqu’on ferme sur toi le soir la porte de la même chambre en te disant « bonne nuit ! ».

Ton soulagement de constater que Papa rentre systématiquement le soir et que Maman, si elle sort en disant qu’elle revient, c’est toujours vrai.

Ta fierté lorsque Grand-Père dit « C’est mon seul petit fils ! » (vu que tu n’as que des cousines).

Ton bonheur de jouer, courir, aimer comme n’importe quel enfant…

Anne G.

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C
<br /> texte émouvant<br /> <br /> <br /> bonne soirée<br /> <br /> <br /> clem<br />
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C
<br /> <br /> Moin non plus je ne peux imaginer de telles injustices. Je n'aime pas l'injustice qui concerne les enfants.<br /> <br /> <br /> bonne soirée<br /> <br /> <br /> clem<br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> Quel texte profond et émouvant ... Merci<br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> je n'oublie jamais les sentiments quand j'ai vu ma fille Josiane dans l'ohelinat "CHARITE" en Madagascar. Merci.<br /> <br /> <br /> <br />
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