Amis du Jardinier de Dieu

Homélie sur l’ensemble de la Lettre aux Hébreux

Publié le 3 Février 2019 par Père Dominique Degoul in homélie

Depuis quelques semaines, nous entendons la lettre aux Hébreux en lecture continue. Certains passages peuvent nous sembler très clairs, d’autres au contraire nous sembler difficiles à comprendre. C’est peut être le cas pour celui d’aujourd’hui.
On peut avoir le sentiment de bien repérer quels sont les thèmes abordés par la Lettre : le Christ comme grand-prêtre dans l’ordre de Melchisédech – c’est le thème central, l’importance de la foi (vous vous souvenez peut-être de l’anaphore du chapitre 11 ; par la foi… par la foi… par la foi…), l’importance de la fidélité a Dieu (rappelez-vous il y a quelques jours nous avons entendu le commentaire du psaume 95 fait par l’auteur de la Lettre : aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas votre cœur).
Nous repérons bien les thèmes, mais on peut se demander : au fond, que voulait-il dire ? Quel est le but de tout cet exposé ?
Il faut sans doute partir de ce que dit la lettre de l’état de la communauté à laquelle il écrit. Des chrétiens issus du judaïsme, qui ont reconnu Jésus comme fils de Dieu, mais qui ont déjà subi la persécution, (10.34), et ce n’est pas fini : vers la fin de la lettre, l’auteur leur dit : vous n’avez pas encore résisté jusqu’à verser votre sang, comme si cela faisait partie du programme. (12.4)
Alors, ils ont besoin d’endurance (10.34), pour face à la peur. On peut aisément comprendre qu’ils aient peur ; mais cette peur est un ennemi : car ce qui nous tient dans une situation d’esclaves, c’est la peur, particulièrement la peur de la mort (2.15).
Pour faire face à cette peur, les destinataires de la lettre ont besoin d’encouragements ; mais ils ont aussi besoin que leur intelligence soit éclairée, pour faire face au doute qui les tenaille. Car la peur peut conduire non seulement à des comportements dangereux, lâches ou irrationnels, mais aussi à des raisonnements qui risquent de faire s’effondrer la foi.
J’ai peur de la persécution. Et je sais que si je cède à la peur, je risque d’apostasier. Mais si je tombe alors que je crois au Christ, cela veut dire que la foi en Jésus n’est pas plus efficace que ma foi d’avant, celle que je mettais dans l’observance de la Loi et dans les sacrifices du Temple… En fait, c’est toujours comme autrefois, Dieu me demande des choses que je suis peut-être incapable de réaliser, et mon cœur trop faible se fermera comme au désert, comme au temps de Moïse… Certes Jésus est ressuscité, mais, comme l’écrit l’auteur, (2.8) je ne constate pas encore que tout lui ait été soumis… et c’est à se demander si je le constaterai un jour, alors que les hommes nous en veulent à mort, et que Dieu semble nous laisser seuls dans notre malheur. Alors, vraiment, est ce que croire en Jésus nous aide ? Est-ce vraiment la peine de risquer sa vie pour cet homme qui nous laisse tomber ?
Vous voyez le piège : la peur de tomber elle-même accroit le risque de tomber.
L’auteur de la lettre doit donc répondre, et c’est urgent, a cette question précise : qu’est-ce que la venue de Jésus a changé dans la vie de ces juifs qui se sont mis à croire en lui ? Au désert, le peuple avait demandé : Dieu est-il avec nous oui ou non ? (ex 17.7) ; la question revient, insidieuse, mais aussi brutale : Jésus est-il Dieu-avec-nous, oui, ou non ?
Le cœur de la réponse de l’auteur de trouve au milieu de sa lettre : mais Christ est survenu (9.11). Semblable à nous en toutes choses, il n’a pas honte de nous appeler des frères, il connaît nos faiblesses de l’intérieur (4.15). Mais le seul moment de sa vie dont nous parle la lettre, c’est Gethsémani (5.7) : ce moment où, pour lui comme pour les chrétiens persécutés, les ennemis lui en veulent a mort, les amis le trahissent ou l’abandonne, et l’accomplissement de la volonté de Dieu semble ne mener rien d’autre qu’à la mort.
A ce moment, nous dit la lettre, bien qu’il soit le Fils, Jésus a appris, dans ses souffrances, l’obéissance (5.8), et il est devenu pour ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel. Que s’est-il passé pour Jésus ? Il a découvert, au moment le plus difficile, que malgré l’obscurité des circonstances, malgré l’obscurité dans son âme, son désir le plus profond était de rester absolument fidèle à Dieu qui semblait l’abandonner ; et de demeurer miséricordieux envers ces hommes qui lui faisaient violence : choisi par Dieu depuis l’origine, il apprend à ce moment-là, au creuset de la souffrance, jusqu’où va l’amour auquel il est appelé, et il y consent.
C’est ainsi que Jésus devient grand prêtre : fidèle à Dieu, miséricordieux pour les hommes, offrant à Dieu non pas le sang d’animaux sacrifiés, mais son être tout entier, faisant triompher, enfin, dans sa propre vie, la foi et l’amour, sur toute tentation de fermer son cœur comme au désert.
Et cette offrande est infiniment plus efficace que celles d’autrefois : le grand prêtre d’autrefois pardonnait les péchés chaque année, mais le cœur de l’homme n’était pas changé ; alors que suivre le même chemin que Jésus, c’est se purifier, et lui devenir semblable. Le véritable grand prêtre n’est plus celui qui offre des sacrifices en notre nom : c’est celui qui nous guide sur le chemin qui mène vraiment à Dieu, chemin qui jusque-là n’était pas encore manifesté (9.8), mais qu’il a ouvert pour que nous l’empruntions, en ayant foi (11) qu’il nous mène a la résurrection. 

Merci à l'auteur de cette image

Jésus a été accompli comme grand prêtre au pire moment de sa vie, quand il a dit des mots qui exprimaient son désir de demeurer fidèle en même temps à Dieu et aux hommes.
Il est vraiment notre grand-prêtre lorsque, dans les moments difficiles de nos vies, ces mots deviennent nos mots, pour exprimer notre propre désir de ne pas nous effondrer, de demeurer fidèle a Dieu et aux hommes, en croyant que cela nous conduit à la même vie que Jésus lui-même.
Jésus est notre grand prêtre quand surgissent en nous ses propres mots, qui nous mènent de la mort à la vie.
Alors, ce que nous avons à faire, tant que l’on dira « aujourd’hui » ( 3.13), c’est de fixer notre regard sur lui (12.2), pour le laisser nous travailler, nous faire grandir. Le chemin qui permet de réaliser la volonté de Dieu nous a été ouvert par Jésus : non seulement nos péchés sont pardonnes, comme on efface une dette, mais nos consciences sont purifiées (9.14) : nous devenons meilleurs, semblables au Christ.
Et tellement semblables à lui que chacun de nous devient un unique, un premier né, de telle manière que nous réalisions le projet de Dieu (2.10) de former, selon cette expression magnifique et paradoxale, une assemblée de premiers nés (12.23) dont les noms sont inscrits dans les cieux. A ce moment, nous dit la lettre, bien qu’il soit le Fils, Jésus a appris, dans ses souffrances, l’obéissance (5.8), et il est devenu pour ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel. Suivons le sur ce chemin.

Père Dominique Degoul, s.j. 

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