A l’aube de cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens, je repensais à un adage entendu à l’hospitalité de Lourdes : « Ici vous allez rencontrer des gens qui vont vous montrer ce qu’il faut faire et d’autres, ce qu’il ne faut pas faire, alors rendez grâce pour les deux, car ainsi vous apprendrez quatre fois plus vite ! ». Dans la vie, il est des gens qui nous marquent et cela m’a ramené 15 ans en arrière sur le chemin de Compostelle, à Ignace, curé de Grañon.
Avec mon ami de rencontre, André nous marchions depuis le matin quand, dans l’après midi nous fumes intrigués,
depuis une heure, le soleil était sur notre droite : donc nous marchons plein Est. Santiago, c’est plein Ouest et tous les pèlerins vous le confirmeront sur le chemin, on ne bronze que du
coté gauche. Demi-tour, nous nous étions trompés, 8 km et 2 heures, pour rien ! Pour rien ? Le chemin longeait un village, Grañon, nous fîmes un détour pour remplir nos
gourdes et s’enquérir d’une éventuelle auberge pour pèlerin. Deux dames à la fontaine, nous poussent jusqu’au presbytère accolé à la petite église du village. Sur la porte un panonceau
« albergue por pélégrinos » et Jérôme, un français nous accueille. Deux mois plus tôt, venant de Rocamadour, il était passé ici, avait rencontré le Père Ignace et lui avait promis de
s’arrêter au retour (Jérôme s’était donné 4 mois pour faire l’aller et le retour). Trois jours avant nous, il avait poussé la porte et juste derrière, le Père Ignace, bagages bouclés, lui
tendait les clefs de l’auberge en disant : « Tu as failli être en retard, je pars dans une heure, pour 8 jours, c’est toi le gardien ». Abasourdi, Jérôme s’étonne, le père Ignace
lui répond : « il y a 4 jours que je sais que je dois partir , l’auberge ne doit pas être fermée donc, j’ai prié, alors j’étais sûr que tu serais là et te voilà » . Le Père
Ignace ne voulait pas que sa petite auberge pour pèlerin soit répertoriée sur les guides, il laissait faire la providence, alors il priait tous les jours pour mériter ses hôtes, à la grâce de
l’Esprit.
A huit heures, nous pénétrons dans la petite église, très belle, et tous les trois nous prions, chantons à notre
manière, puis nous inscrivons nos noms sur le registre à la suite tous ceux qui nous ont précédés et nous prions pour tous les inscrits, qui sont devant nous et pas encore arrivés au terme de
leur pèlerinage. Pendant trois semaines, tous les soirs à 8h00, jusqu’à notre arrivée, d’autres pèlerins eux aussi guidés, là par l’Esprit, ont ainsi priés pour nous. Le lendemain en quittant
l’ancien presbytère transformé en auberge, une coupole remplie de pesetas attire mon attention. Un petit carton écrit en plusieurs langues nous dit : « Ami pèlerin, merci d’être passé,
si tu peux, donne, selon ton cœur et si tu as besoin, alors sers-toi ». Jamais de ma vie, je n’avais rencontré une foi pareille, autant de disponibilité, de lâcher prise, de confiance
aveugle. Depuis ce jour, dans ma tête, j’ai gardé un concept et un état d’esprit nouveau : l’Esprit Grañon, et bien souvent, je le mets en œuvre dans ma
vie.
Je n’ai jamais rencontré Ignace mais je sais que ce prêtre espagnol a prié pour moi et pour des milliers d’autres
pèlerins qui n’ont fait que passer une nuit. Je ne sais pas aujourd’hui, s’il est vivant, s’il continue, mais Père Ignace est pour moi, l’auvergnat qui sans façon a allumé une flamme
dans mon petit autel intérieur car il m’a permis de m’approcher un peu plus concrètement de mon Père éternel.
L’ Esprit Grañon: rester disponible à tout autre et prier pour le mériter. Voilà ce que la Providence avait prévu
de m’enseigner dans mon petit détour (pour rien !). Voilà comment quinze après, j’avais envie de témoigner de ma solidarité chrétienne de pensée. Je souhaite à chacun d’abord de
rencontrer sur sa route un Père Ignace et ensuite de le devenir pour les autres.
Michel D.
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