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Homélie pour le 20ème dimanche ordinaire B - Eglise Ste Bernadette de Colommiers

Publié le 19 Août 2018 par Père Dominique Degoul sj in homélie

Manger la chair et boire le sang du Christ : c’est ce que nous allons faire dans quelques minutes, comme chaque dimanche.
Comme chaque dimanche… c’est bien, d’avoir des bonnes habitudes. Mais l’évangile d’aujourd’hui peut nous permettre de nous reposer, plus profondément, la question de ce que nous faisons, quand nous communions.

Ce qui peut nous frapper, dans le texte d’aujourd’hui, c’est le réalisme presque violent avec lequel Jésus parle. Quand nous célébrons la messe, nous prenons des hosties bien rondes, du vin blanc… des objets dont l’apparence n’a pas grand-chose à voir avec de la chair et du sang.
Jésus, lui, parle de manger sa chair, de boire son sang. Et même, un des verbes utiliser veut dire « mâcher ».
Le verbe est plus que réaliste, et je crois qu’il est bon que, pour un moment, nous acceptions d’être tout simplement heurtés par ce verbe. Car il nous oblige à aller plus loin.

La chair et le sang, c’est, d’abord, une manière de dire « la vie ». Jésus donne sa chair et son sang, c’est une manière de dire qu’il nous donne sa vie.
« Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde » « ma chair est la vraie nourriture, mon sang est la vraie boisson ». Ce que Jésus dit, c’est d’abord cela : ce désir intense qui vient du Père et que Jésus nous transmet :
que nous vivions. Quand nous sommes perdus, il y a une référence d’urgence dans l’Evangile, c’est Jean 10,10 : « moi, je suis venu pour que les hommes aient la vie, et qu’ils l’aient en abondance ». Et pour que nous ayons la vie, Jésus vient nous donner cette vie.
Il est venu nous la donner dans toute son action, toute sa vie : ses paroles qui font grandir ses auditeurs, les guérisons dont il a été l’auteur, les démons qu’il a expulsés… une vraie puissance de vie s’est déployée dans la personne de Jésus.

Mais cela ne suffit pas. Jésus fait face à la résistance des hommes : à la résistance, même, de ceux qu’il vient de nourrir de pain à satiété, mais qui ne veulent pas entendre qu’il est, lui, le pain de la vie, que croire en lui c’est recevoir la vie.
Alors, pour Jésus, donner la vie passera par donner sa vie. Sa chair sera broyée sur la croix, son sang sera versé, la violence du refus de l’homme s’abattra sur lui.
Alors, nous pouvons entendre de deux manières complémentaires l’invitation à manger sa chair et à boire son sang.
La première s’adresse au pécheur qui est en nous, la seconde au saint. Et nous sommes les deux : saints, parce que pécheurs accueillis, et pardonnés.
Manger la chair du Christ, boire son sang, c’est reconnaître que la vie qui nous vient de Dieu ne nous est pas venue sans avoir à traverser la violence dont les hommes sont capables. Notre vie est passée par la mort violente de Jésus. Comme dit saint Jean ailleurs, ils regarderont celui qu’ils ont transpercé.
Et c’est pour cela sans doute, que dans la tradition chrétienne, et même dans la liturgie, s’exprime parfois, au moment de communier, une crainte : le prêtre est invité à dire à voix basse : « Seigneur, que cette communion n’entraine pour moi ni jugement, ni condamnation ».
Mais les paroles de Jésus que nous entendons aujourd’hui, celles aussi qu’il a prononcées à son dernier repas, peuvent, paradoxalement, nous réconforter : Jésus les a dites avant qu’on lui prenne sa vie. « Prenez, mangez, c’est mon corps ; prenez, buvez, ceci est mon sang » : le corps et le sang qu’on croit me prendre par la violence, je les ai déjà donnés.
Dans les paroles de l’eucharistie, Jésus dit sa décision intérieure de ne pas retenir ce qu’on va lui prendre. La lettre aux Philippiens dit qu’il n’a pas retenu le rang qui l’égalait à Dieu ; l’évangile nous dit qu’il n’a même pas retenu sa vie humaine. Et c’est là la Bonne Nouvelle pour le pécheur que nous sommes : notre violence est désarmée, parce que ses effets ont été acceptés d’avance : la chair et le sang sont donnés, d’avance : comme un pardon anticipé de notre violence. Et ce pardon peut réconforter le pécheur que nous sommes. Seigneur, je te rends grâce : le mal que je peux faire, tu en as pris les conséquences sur toi. Agneau de Dieu, qui portes le péché du monde, prends pitié de nous ; Agneau de Dieu, qui portes le péché du monde, donne nous la paix.

L’invitation à manger la chair du Christ et à boire son sang s’adresse aussi au saint qui grandit en nous : le saint, celui qui désire que la volonté de Dieu s’accomplisse.
Et Jésus, dans le don de sa chair et de son sang, nous montre la route à suivre : il s’agit, à notre tour, de désirer donner la vie autour de nous ; c’est-à-dire d’aimer envers et contre tout.
Ce chemin là peut être héroïque, même quand il n’est pas extraordinaire : je pense, parmi tant d’autres exemples possibles, à ces parents qui aiment envers et contre tout des enfants qui tournent mal, ou à ces personnes déjà plus toutes jeunes qui continuent à visiter et à soutenir des parents très âgés, et parfois très abimés.
Nous savons que dans certaines situations, il nous faut la force de Dieu même pour être capables de mener notre vie.

Manger la chair du Christ, boire son sang, c’est reconnaître que parfois, c’est nous qui, comme lui, ne pouvons pas faire le bien sans en souffrir ; et c’est dire notre désir et notre espérance que, pour nous comme pour lui, au travers même de ce qui est difficile, la vie triomphera.
Que le corps et le sang du Christ nous garde pour la vie éternelle !

Amen.

Père Dominique Degoul sj, Homélie pour le 20ème dimanche ordinaire B (Eglise Ste Bernadette de Colommiers)

Pr 9, 1-6, Ps 33 (34), 2-3, 10-11, 12-13, 14-15, Ep 5, 15-20, Jn 6, 51-58

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