Amis du Jardinier de Dieu

Quelle est ta vocation ?

Publié le 23 Avril 2018 par Père Dominique Degoul in homélie

Est-ce que Dieu t’appelle à être religieux, religieuse, à te marier, à devenir prêtre ?
Parfois, on a l’impression que la réponse à cette question est urgente … et à d’autres moments, que c’est encore très loin… La première vertu, pour répondre à une telle question, c’est sans doute la patience.
Quand j’étais enfant, que mes parents m’emmenaient marcher en montagne, je regardais le sommet, et il me paraissait tellement haut qu’on n’y arriverait jamais. Et puis on marche une heure ou deux, on fait quelques pauses, on repart… et, tiens, on est déjà arrivé ! Entre aujourd’hui et le jour où tu pourras engager ta vie, il y aura un chemin, peut-être qu’il sera plus court ou plus long que ce que tu imagines. Mais c’est un chemin en pente douce, ce n’est pas l’escalade d’une pente abrupte. Et le jour où tu pourras t’engager pour devenir époux, épouse, religieux, religieuse, consacré, ou prêtre, ce jour-là sera en continuité avec le discernement qui l’aura précédé et la vie quotidienne qui le suivra.
Sur ce chemin, tu n’es pas seul : toi, la brebis qui cherche son chemin, tu découvres que tu as un berger pour te guider : le Christ lui-même. Le Christ n’est pas celui qui attend, au bout de la route, en regardant sa montre avec impatience si tu es en retard. Il est avec toi, à chaque pas. S’il voit venir le loup de la tentation ou le serpent du découragement, il ne s’enfuit pas, mais il reste présent auprès de toi et te dit comment leur faire face. Le bon berger te connait, et, si tu faiblis trop, il te prend sur ses épaules pour une partie du chemin. C’est comme cela qu’on représentait le Christ dans l’Antiquité : un jeune homme, portant sur ses épaules une brebis.
La seule chose que tu aies à faire, c’est d’écouter sa voix.
Comment écouter sa voix ? Dans l’Ecriture, dans l’Eglise, et dans ta vie. Dans l’Ecriture, ce texte d’autrefois qui devient pour toi une parole de Dieu lorsqu’il te touche intimement ; dans l’Eglise, lorsque tu es réconforté par la parole d’un frère, d’une sœur, d’un accompagnateur spirituel, ou par un sacrement qui n’est pas autre chose, au fond, qu’une parole d’encouragement transmise par le prêtre et venant de Dieu pour toi ; dans ta propre vie lorsque, en repensant à ce qui t’est arrivé et à ce que tu as fait, tu repères ce qui t’a mis dans une joie durable, une paix profonde, une énergie tranquille pour affronter la vie quotidienne … cette joie, cette paix, cette force, viennent de Dieu.
Ecoute la voix du Christ, et apprends peu à peu à le connaître, pour te connaître toi. Qui est-il ? Il donne sa vie pour ses brebis, dit l’évangile de Jean. Il est la pierre méprisée par les bâtisseurs, et qui devient la pierre maîtresse de la construction, dit le psaume, cité par saint Pierre.
Il est celui qui est ressuscité d’entre les morts.
Quel rapport avec ma vocation, au fond ?
Le premier, évident : le Christ est ressuscité des morts, et donc il est aujourd’hui vivant. Quand je dis qu’il te parle, il te parle vraiment ; non pas à haute voix, mais il te dit quelque chose à toi qu’il ne dit pas à un autre.
Le deuxième, moins évident, mais tout aussi fondamental : la résurrection de Jésus, ce n’est pas seulement son histoire à lui, même si elle nous rend heureux pour lui ; la résurrection, c’est ton futur, et c’est déjà ton présent.
C’est ton futur, parce que, comme le bon larron, un jour, tu seras avec Jésus dans le paradis.
C’est déjà ton présent, parce que la résurrection de Jésus nous apprend ce que c’est que l’être même de Dieu : Dieu n’est pas celui qui vient empêcher la mort ; mais Dieu est celui qui vient nous chercher dans la mort, pour nous donner davantage de vie.
Ceci tu le vivras lorsque ton corps t’abandonnera, et que tout ton être sera remis entre les mains de Dieu ; mais tu le vis déjà, aujourd’hui.
Et voici comment : quand le Christ marche avec nous, il ne supprime pas nos blessures, il n’écarte pas ce qui, dans notre histoire, nous fait mal, nous pose question, il ne jette pas au loin ces pierres que nous méprisons et que nous ne voulons pas intégrer dans la construction que nous voulons faire de nous-mêmes : tout cela, il le transfigure.
La part de notre histoire ou de notre tempérament que nous voudrions rejeter loin de nous, Dieu la choisit pour en faire la pierre d’angle. La religieuse xavière qui m’a accompagné spirituellement lorsque j’étais étudiant m’a dit : « le lieu de ta blessure sera le lieu de ta mission ». Elle avait raison.
Le Christ nous réconcilie avec nous-même, il nous réconcilie avec Dieu : parce qu’il est passé de la mort à la vie, il est le seul qui peut redonner vie à tout ce qui, en nous, semble mort. Comme dit st Pierre, en nul autre nom, il n’y a de salut.
Quand nous avons fait cette expérience que le Christ nous sauve, alors nous pouvons sentir que nous sommes enfants de Dieu. Saint Jean s’en étonne tellement qu’il le répète trois fois. Et Jésus, le Fils unique de Dieu, est alors notre frère.
Tu es enfant de Dieu, et donc, pour ce qui est de la place que tu occuperas dans le monde et dans l’Eglise, tu es libre. Jésus dit à un moment « les fils sont libres ».
Liberté vraie, entière, pleine, souveraine. Pas seulement liberté par rapport aux entraves du péché – et c’est déjà beaucoup ; mais liberté de créer. Dieu t’a créé à son image, tu seras à son image si tu es créateur.
Il n’y a pas de plan de vol préétabli pour toi : Dieu n’a pas décidé à l’avance que tu serais moine à Solesmes ou que tu épouserais Marie-Cunégonde. Si Dieu est Père, comme un père il dit à ses enfants : « je veux le meilleur pour toi ; le meilleur sera ce qui te rendra vraiment heureux ».
Dieu ne va pas contraindre ta liberté : il va l’aider à grandir, et à donner le meilleur d’elle-même, pour ta joie, et pour sa gloire.
Car tes désirs sont multiples, et c’est légitime !
Comment vais-je être aimé ? Où vais-je m’épanouir ? Comment pourrai-je le plus efficacement et le plus heureusement possible me mettre au service de mon pays et du monde pour qu’ils soient plus justes ?
Dans quel état de vie pourrai-je le mieux laisser grandir ce lien qui me relie à Dieu, et témoigner de la joie que me donne le salut que j’ai reçu ?
Alors, le Christ n’a pas de plan préétabli pour toi, mais il te connait de l’intérieur. Il peut te dire : « va regarder par-là, peut-être cela te rendra-t-il heureux ? ». Il ne te demandera jamais de te sacrifier, de passer ta vie dans quelque chose qui te rendrait malheureux, qui te mutilerait ; mais il t’appellera à choisir. C’est-à-dire à renoncer à des choses bonnes, pour des choses encore meilleures pour toi.
Et entre tout cela, il te fera découvrir que la plus grande liberté, la plus grande joie, est dans le service, dans le don de toi-même. Et c’est vraiment vrai. Il ne s’agit pas seulement de la satisfaction d’avoir fait son devoir, ou de se regarder dans la glace le soir en se disant : avec tout ce que je fais pour les autres, je suis vraiment quelqu’un de bien. Il s’agit de découvrir que la place du serviteur, celle que Jésus a choisi, est une place royale. Ceux qui ont des expériences de service auprès d’enfants, d’étrangers, de handicapés, de sdf, le savent : le service est le lieu d’une joie qui peut nous déborder.
Alors, où ta liberté pourra-t-elle donner le meilleur d’elle-même ? Où ta joie sera-t-elle la plus féconde ? Où le service que tu pourras rendre sera-t-il le plus grand et le meilleur, qu’il soit visible de tous ou humblement caché ?
Seras-tu marié, pour vivre l’accueil d’un conjoint, la joie d’être aimé jusqu’à l’intime de la chair, au point que l’autre devient une part de toi, et que de cet amour puissent naître d’autres vies ?
Vivras-tu, comme religieuse ou religieux contemplatif, en ordonnant ta vie autour de la prière, dans l’équilibre d’une vie simple, pour signifier dans une lumineuse discrétion la présence de Dieu déjà là ?
Seras-tu religieuse ou religieux apostolique, pour consacrer ta vie au service et à la mission, devenir semblable au Christ serviteur, et trouver ta joie dans les œuvres qu’il réalise avec toi et parfois même à travers toi ?
Voudras-tu, comme prêtre diocésain, tenir dans l’Eglise la place du Christ qui ouvre les Ecritures et partage le pain, pour aider tes frères et sœurs à avancer sur le chemin qui mène à Dieu ?
Ou peut-être crains-tu qu’aucune de ces formes de vie ne puisse un jour te correspondre parce que les obstacles sont objectivement trop grands pour choisir aucune d’entre elle ? Alors souviens-toi que les pauvres sont les préférés de Dieu, devant qui il convient que le pape lui-même se mette à genoux ; et que, si tu es de ces pauvres pour lesquels aucune place dans l’Eglise n’est possible à part celle, bien humble, de simple baptisé, alors le Royaume des cieux est déjà à toi.
En attendant le jour où tu pourras te décider,
Ecoute la voix du Seigneur
Prête l’oreille de ton cœur
Qui que tu sois ton Dieu t’appelle
Qui que tu sois il est ton père
Toi qui aimes la vie
Toi qui veux le bonheur
Réponds en fidèle ouvrier de sa très douce volonté
Réponds en fidèle ouvrier de l’Evangile et de sa paix.
Amen

Dominique Degoul, Homélie du 4ème dimanche de Pâques, paroisse étudiante de Toulouse.

 

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